Réseaux sociaux et santé mentale, y a-t-il un lien? Partie 2 : Le pouvoir des images

À l’ère numérique, on façonne de plus en plus son identité à travers les écrans. Entre les risques et les opportunités, comment les réseaux sociaux influencent-ils notre perception de nous-mêmes ? Pascal Minotte, expert en psychologie du CRéSaM, le centre de référence en santé mentale en Wallonie, nous guide à travers les méandres de l’extimité, les “likes”, le cyberharcèlement, la retouche d’images et plus encore. 

Par rapport au fait de se créer une identité en dehors de l’autorité parentale et de tester les limites, N’y a-t-il pas un certain danger avec internent et les réseaux sociaux ? À quel moment ça devient problématique?

Oui, c’est vrai que internet en général est un des premiers lieux dans lesquels les jeunes adolescents vont commencer à tester des identités alternatives ou des façons d’être émancipées du regard parental.
L’adolescence avec le début de la puberté, c’est aussi la période durant laquelle on va commencer à tester une identité sexualisée.

Cela veut dire que ces jeunes vont éventuellement proposer des fragments d’identité, des façons d’être qui ne vont pas nécessairement plaire aux parents. L’adolescent va fonctionner un peu par essai-erreur et va attendre les réactions de ses camarades par rapport à ce qu’il poste. L’essai-erreur implique aussi une part de risque.

Il y a certainement de l’éducation aux médias et de la prévention à faire par rapport à certains usages qui pourraient poser questions . Ceci étant, on ne peut pas envisager non plus l’éducation des enfants et des adolescents sans cette prise de risque, on ne peut pas les élever sous cloche. Il y a un moment où pour grandir, il faut pouvoir prendre ces risques. Des risques mesurés, il faut limiter leurs conséquences négatives, mais on ne peut pas non plus faire comme si le risque n’existait pas, même si à l’heure actuelle dans la société contemporaine, on aimerait bien le faire disparaître. Pour grandir, il faut pouvoir prendre des risques.

Les “likes” et les commentaires que l’on reçoit (ou ne reçoit pas) peuvent-ils influencer l’image qu’on a de soi ?

Effectivement quand on va poster et montrer des fragments de son intimité, on va attendre tout simplement la validation des autres par le fait de recevoir des likes. Serge Tisseron, pédopsychiatre qui a beaucoup travaillé sur ce sujet, appelle ce partage d’intimité l’extimité.

Ça peut présenter quelques risques. Le risque principal étant tout simplement de ne pas recevoir de réaction ou recevoir des réactions négatives. Le phénomène le plus problématique est certainement le cyberharcèlement, un phénomène bien réel qui est relativement présent et qui peut avoir des conséquences importantes sur le moral et la santé mentale et physique.

La retouche d’images influence-t-elle la perception de soi dans sa construction identitaire ?

Les médias sociaux, à l’instar d’Instagram, véhiculent souvent les mêmes stéréotypes que les médias traditionnels, en particulier concernant l’image du corps et de la beauté, principalement féminine. Bien que les hommes soient également concernés, les femmes sont davantage ciblées, révélant une inégalité de genre manifeste. Ces stéréotypes peuvent influencer la perception de soi, surtout pendant l’adolescence, période de vulnérabilité à ce sujet. De nombreuses études montrent que cela peut avoir des effets tant négatifs que positifs. Par exemple, voir des jeunes actifs physiquement sur Instagram peut motiver certains, mais décourager ou nuire à l’estime de soi d’autres. Néanmoins, à la différence des médias traditionnels, les médias sociaux offrent également des espaces promouvant la diversité corporelle, comme avec le hashtag #bodypositive. De nombreuses influenceuses y présentent des images non retouchées, plus proches de la réalité, ce qui peut avoir un impact positif sur ceux qui les suivent.

L’utilisation de filtres et la modification des images rendent-elles moins crédule face aux images qu’on voit ? Les nouvelles générations sont-elles mieux armés que les générations précédentes?

L’utilisation des filtres sur les médias sociaux, en particulier dans les selfies, soulève des inquiétudes quant à leur influence sur la perception de soi chez les adolescents. On peut observer deux phénomènes.

Le premier est que ces filtres peuvent effectivement créer des attentes irréalistes, en particulier chez les jeunes filles. Certaines, en quête de cet idéal esthétique, se tournent vers la chirurgie esthétique.

À l’inverse, on peut aussi considérer que la familiarité avec les outils de modification d’image pourrait également éduquer les jeunes sur les réalités de la retouche et les amener à voir les images de manière critique, à l’instar d’un expert dans son domaine qui perçoit les choses différemment.

Mais la réalité est complexe. Les études sur le terrain montrent que les effets de ces filtres peuvent varier selon les individus et les moments de leur vie. Bien que certains puissent reconnaître intellectuellement l’irréalité des images, les émotions peuvent l’emporter, accentuant parfois l’insatisfaction corporelle.

Visionne l’intégralité de l’interview en vidéo:

Retrouve la suite de l’interview :

Pour lire la note complète de Pascal Minotte : Adolescence, médias sociaux & santé mentale.

Poser une question

N’hésite pas à nous poser une question, un professionnel faisant partie du réseau Bruxelles-J te répondra. Nous préservons ton anonymat et ton adresse de messagerie ne sera pas publiée.

En cliquant sur "envoyer votre question", vous acceptez notre politique de confidentialité.

*
*
*