L’établissement du lien de filiation

La filiation est le lien juridique entre un enfant et sa mère et/ou son père et/ou sa co-mère.

Pour l’équilibre psychique, moral et social, il est essentiel de savoir qui sont ses parents. C’est pourquoi, la Convention internationale des droits de l’enfant consacre à chaque enfant le droit de connaître ses origines.

La filiation peut s’établir de trois façons différentes :

  • la filiation par l’effet de la loi,
  • la filiation établie par reconnaissance,
  • la filiation établie par décision de justice.

1. La filiation par l’effet de la loi

La loi s’applique automatiquement si les conditions sont remplies.

1.1. La filiation maternelle

La filiation maternelle est le lien juridique entre un enfant et sa maman. La maman qui accouche est toujours considérée comme la mère biologique. Son nom sera donc automatiquement inscrit sur l’acte de naissance de son enfant.

En Belgique, il n’est pas possible d’accoucher « sous x » : la filiation maternelle est automatiquement établie dès la naissance de l’enfant.

1.2. La filiation paternelle/ co-maternelle

Si la mère est mariée et que l’enfant est né pendant le mariage ou dans les 300 jours qui suivent le divorce, l’époux est automatiquement désigné comme le père légal (même s’il ne l’est pas biologiquement). C’est ce qu’on appelle la présomption légale de paternité.

La présomption de co-maternité existe aussi pour la coparente, c’est-à-dire l’épouse de la mère.

Comme le lien de filiation est établi automatiquement, vous ne devez pas introduire de demande de reconnaissance. Toutefois, vous devez déclarer votre enfant auprès de la commune de sa naissance dans les 15 jours qui suivent l’accouchement. On parle alors de déclaration de naissance.

Des exceptions sont toutefois prévues en cas de procédure de divorce, ou de résidence séparée des époux/épouses. La présomption de paternité/co-maternité ne s’applique pas lorsque l’enfant est né 300 jours après :

  • L’accord des parties, validé par le juge, de résider séparément ;
  • L’autorisation du juge de résider séparément ;
  • L’inscription des époux/épouses à des adresses différentes selon le registre national (inscription à la commune) ;
  • Le jugement du juge de paix autorisant les époux/épouses à résider séparément, et moins de 180 jours après que cette mesure ait pris fin, ou après la séparation de fait des époux/épouses ;
  • La date de dépôt de la requête de divorce par consentement mutuel ;
  • La disparition de l’époux/l’épouse.

Les époux/épouses peuvent néanmoins écarter l’application de ces exceptions en faisant une déclaration conjointe au moment de la naissance.

2. La filiation établie par reconnaissance paternelle/ co-maternelle

Si, au moment de la naissance, les parents ne sont pas mariés, l’enfant peut être reconnu par le père biologique et/ou la co-mère ayant consenti à l’acte de procréation médicalement assistée. Pour cela, il faut bien avoir à l’esprit les étapes qui vont suivre.

2.1. Lieu de la reconnaissance

L’acte de reconnaissance peut être établi en Belgique lorsqu’une des conditions suivantes est remplie :

  • La personne qui reconnait l’enfant possède son domicile en Belgique au moment de la reconnaissance ;
  • La personne qui reconnait l’enfant a sa résidence habituelle en Belgique au moment de la reconnaissance ;
  • La personne qui reconnait l’enfant est Belge au moment de la reconnaissance ;
  • L’enfant est né en Belgique ;
  • L’enfant à sa résidence habituelle en Belgique au moment de la reconnaissance.

Concrètement, pour reconnaitre un enfant, il faut faire une déclaration de reconnaissance de paternité/co-maternité auprès de l’Officier d’état civil :

  • soit à la commune de résidence de la maman,
  • soit à la commune de résidence du papa/de la co-mère,
  • soit à la commune de résidence de l’enfant,
  • soit à la commune du lieu de naissance de l’enfant,
  • soit à la commune de 1000 Bruxelles s’il est impossible de prouver votre résidence en Belgique.

2.2. Conditions de la reconnaissance

 Il n’y a pas de délai pour effectuer cette déclaration. L’enfant peut être reconnu avant (reconnaissance prénatale) ou après la naissance (reconnaissance postnatale).

Certaines personnes doivent donner leur consentement à cette reconnaissance :

  • Si l’enfant a moins de 12 ans, il faut l’accord de sa maman ;
  • Si l’enfant a entre 12 et 18 ans, il faut son accord et celui de sa maman ;
  • Si l’enfant est majeur ou émancipé, il faut son accord. Il n’existe aucun recours contre son refus.

Si le père/la co-mère n’obtient pas l’accord de l’enfant et/ou de la mère, il/elle doit introduire une requête auprès du tribunal de la famille qui jugera si l’établissement du lien de filiation est dans l’intérêt de l’enfant.

La reconnaissance paternelle/co-maternelle a lieu en deux étapes :

2.2.1. La déclaration à la commune

Une série de documents doivent être remis à la commune.

Quels documents doivent être apportés ?
  • Avant la naissance, un certificat médical de grossesse ;
  • Après la naissance, l’acte de naissance de l’enfant ;
  • Les documents d’identité des parents (passeport, carte d’identité ou acte de naissance).

Si la personne n’est pas inscrite en Belgique, les documents suivants doivent également être remis :

  • La preuve de la nationalité.
  • La preuve de la résidence. Si les parents ne sont pas domiciliés en Belgique, la résidence peut être prouvée par des attestations d’autorités publiques (CPAS, l’ONE, l’hôpital…) attestant de la résidence. Elle peut également être prouvée par tout autre élément qui démontre que la personne réside effectivement en Belgique (par exemple des factures de gaz, d’eau ou d’électricité à son nom).
  • La preuve de célibat de la maman, et ce afin d’écarter la présomption de paternité/co-maternité. La preuve de célibat du papa/de la co-mère peut également être demandée. Ce document doit être demandé aux autorités nationales de la personne (dans son pays ou auprès de l’ambassade en Belgique).
  • Eventuellement une attestation d’individualité si les informations ne sont pas identiques sur tous les documents présentés. Ce document doit être demandé aux autorités nationales de la personne (dans son pays ou auprès de l’ambassade en Belgique).
  • Éventuellement un certificat de coutume. Cette attestation permet à la commune de vérifier que la déclaration ne va pas à l’encontre de la législation nationale de la personne. Ce document doit être demandé aux autorités nationales de la personne (dans son pays ou auprès de l’ambassade en Belgique).

Tous les documents étrangers doivent être traduits par un traducteur juré s’ils ne sont pas rédigés dans une des 3 langues nationales.

Ils doivent par ailleurs être légalisés ou apostillés :

  • La légalisation permet d’utiliser un document belge à l’étranger ou un document étranger en Belgique.
  • L’apostille est une sorte de légalisation mais qui fait l’objet d’une convention internationale.

Les documents délivrés à l’étranger doivent être légalisés dans leur pays d’origine. Une fois que le document étranger est légalisé par les autorités étrangères du pays où il a été établi, il doit encore être légalisé par le poste consulaire belge compétent pour ce pays. Les documents étrangers délivrés en Belgique (par l’ambassade, par exemple) peuvent être légalisés au Ministère des Affaires Etrangères.

La légalisation et l’apostille sont généralement valables trois mois.

Vous trouverez plus d’informations sur la légalisation sur le site du Ministère des Affaires Etrangères belge.

2.2.2. L’établissement de l’acte de reconnaissance paternelle/co-maternelle

Lors du dépôt des documents à la commune, celle-ci délivre un accusé de réception de la déclaration de reconnaissance. ATTENTION de bien demander cet accusé de réception.

Dans le mois qui suit, l’Officier d’état civil va acter la déclaration de reconnaissance.

Si les parents sont tous les deux de nationalité belge, ou ont un titre de séjour valable, l’acte de reconnaissance de l’enfant est établi en même temps que la déclaration de reconnaissance, soit dans le mois.

Si l’un des parents est en séjour précaire ou illégal en Belgique, le délai s’élève à maximum 5 mois à dater de la demande, et donc de la date de l’accusé de réception.

Pourquoi la commune peut-elle s’opposer à la reconnaissance d’un parent en séjour précaire ou illégal en Belgique?

Etablir un lien de filiation avec un enfant ouvre parfois un droit au regroupement familial avec l’enfant. Dès lors, si l’établissement du lien de filiation avec l’enfant permet au papa/la co-mère ou à la maman d’introduire une demande de regroupement familial en Belgique, l’Officier de l’état civil a pour mission de vérifier que la reconnaissance paternelle/co-maternelle n’est pas réalisée uniquement dans le but d’obtenir cet avantage en termes de séjour.

Dans ce cas, une enquête peut être menée pour vérifier que le candidat n’établit pas sa filiation dans le seul but d’obtenir un avantage en termes de séjour. Le délai de cette enquête est de 2 mois, prolongeable de 3 mois, soit 5 mois maximum.

Dans ce cadre, le.la candidat.e à la reconnaissance et la maman peuvent être entendus par l’Officier de l’état civil, la police ou le procureur du roi.

Si l’enquête conclut que le.la candidat.e n’établit pas le lien de filiation dans le seul but d’obtenir un avantage en termes de séjour, l’Officier de l’état civil acte la reconnaissance paternelle/co-maternelle. Le lien de filiation est établi.

Si l’enquête conclut que le.la candidat.e établit le lien de filiation dans le seul but d’obtenir un avantage en termes de séjour, l’Officier de l’état civil doit refuser d’acter la reconnaissance paternelle/co-maternelle.

En cas de refus d’acter la reconnaissance paternelle/co-maternelle, un recours peut être introduit contre la décision de l’Officier de l’état civil :

  • Soit le.la candidat.e à la reconnaissance introduit un recours contre la décision de l’Officier de l’état civil dans un délai de 1 mois ;
  • Soit une des parties introduit une action en recherche de paternité/co-maternité (délai de 30 ans sauf pour l’enfant qui a un délai de 48 ans).

3. La filiation établie par décision de justice (action en recherche de paternité/co-maternité)

Si la filiation n’est pas établie sur la base de la présomption de paternité/co-maternité et si l’enfant n’a pas été reconnu, le Tribunal de la famille peut établir la filiation paternelle/co-maternelle. Le juge aura comme élément central de sa prise de décision : l’intérêt de l’enfant.

Une action « en recherche de paternité/co-maternité » peut être introduite devant le Tribunal de la famille du domicile de l’enfant par :

  • l’enfant lui-même s’il est majeur ;
  • sa mère (ou son tuteur) s’il est mineur ;
  • la personne qui revendique sa paternité/co-maternité.

Il faut prouver la « possession d’état » de la personne avec qui on veut établir la filiation.

C’est quoi la possession d’état ? Cette notion fait référence à un ensemble de faits qui montrent qu’une personne s’est toujours comportée comme un parent et que le monde extérieur l’a toujours considéré comme tel. Par exemple, il existe une possession d’état entre un homme qui est reconnu par l’enfant, la famille et la société comme le père de l’enfant et qui traite cet enfant comme s’il était le sien en l’éduquant et en l’entretenant. Cet homme pourra invoquer la possession d’état pour être reconnu comme étant le père légal, même s’il n’est pas le père biologique.

A défaut de pouvoir prouver la possession d’état :

  • le père biologique devra démontrer le lien biologique avec l’enfant par tous les moyens de preuve (témoignages, documents, etc.). En pratique, un test ADN sera souvent réalisé.
  • la co-mère devra apporter la preuve que l’enfant est issu de l’acte de procréation médicalement assistée auquel elle a consenti.

En principe, le juge établit la filiation. Toutefois, le juge peut refuser si elle est contraire à l’intérêt de l’enfant.

Si l’enfant est majeur, il a le droit de refuser l’établissement de ce lien de filiation. Il n’y a aucun recours possible contre ce refus (il s’agit d’un véritable “droit de véto”).

4. Changement de nom 

Dans l’année qui suit soit la reconnaissance de l’enfant mineur, soit le jugement qui établit la filiation d’un enfant mineur notifie le changement de nom, soit les parents eux-mêmes peuvent établir, d’un commun accord, une déclaration de changement de nom  auprès de la commune. En cas de désaccord entre les parents, il n’existe aucune voie de recours. L’enfant restera donc avec le nom de la maman donné lors de l’établissement de l’acte de naissance.