La fonte des glaces, pourquoi ça nous concerne? Rencontre avec la doctorante de l’ULB Sarah Wauthy

Dans cette deuxième partie de notre entretien, Sarah Wauthy détaille ses travaux sur les carottes de glace et nous explique la relation entre la glaciologie et les défis liés au climat. Elle répond à notre question “la fonte des glaces, pourquoi ça nous concerne?” En nous éclairant sur les effets du changement climatique en Antarctique et sur les répercussions de la fonte de la glace antarctique sur toute la planète. 

Bruxelles-J : Tu réalises actuellement ton doctorat à l’ULB, pourrais-tu nous expliquer les recherches que tu fais actuellement ?

Sarah Wauthy : Oui, j’analyse des carottes de glace. Il s’agit de cylindres de glace extraits du sol, pouvant atteindre une profondeur de 120 mètres. J’en étudie leur composition chimique afin de reconstruire l’historique de l’accumulation des neiges en Antarctique. En d’autres termes, cela consiste à examiner, depuis la fin du 18ème siècle jusqu’à nos jours, l’évolution de la neige accumulée.

Mon objectif est de comprendre comment le réchauffement climatique affecte cette accumulation de neige. L’Antarctique, qui est une vaste masse de glace, subit des transformations dues à l’augmentation des températures mondiales. Ces transformations se traduisent par la fonte et l’écoulement de la glace. Ce qui entraîne une diminution de la masse de l’Antarctique. Cette situation a une conséquence majeure : l’élévation du niveau des océans, un enjeu crucial pour notre planète.

Dans mon projet, j’utilise les données recueillies à partir des carottes de glace pour observer les variations de masse dans une région proche de la station de recherche belge en Antarctique. Comprendre l’évolution passée de l’Antarctique nous permet de prévoir son avenir dans un monde de plus en plus chaud. En effet, en connaissant mieux son passé, nous pouvons mieux anticiper les risques futurs, tels que la fonte accélérée de la glace et la hausse du niveau marin. Il est important de souligner que les changements en Antarctique ne se limitent pas à cette région; ils ont des répercussions mondiales et affectent chacun de nous.

Quel est le lien entre la recherche en glaciologie et le changement climatique ?

Ce qui se passe en Antarctique, ne reste pas en Antarctique. Le changement climatique va entre autre influencer la perte de masse de glace de l’Antarctique par la fonte tout simplement. Plus il fait chaud, plus il y a de fonte. Mais aussi par l’écoulement des glaciers qui arrivent dans l’océan et contribuent à la hausse du niveau marin. Cette hausse impacte la population mondiale, notamment dans des pays parfois moins développés qui ont une grande partie de leur population vivant près des côtes. Cela aura donc aussi des conséquences sociales et migratoires puisque ces personnes devront quitter l’endroit où elles vivent à cause des changements climatiques. C’est ce que l’on appelle des réfugiés climatiques.

L’Antarctique a aussi un rôle au niveau de la circulation océanique mondiale. La banquise, c’est de l’eau de mer qui gèle. Mais la glace ne contient pas de sel ! La banquise formée autour de l’Antarctique rejette donc de l’eau très salée et très froide, plus dense, qui va plonger en profondeur et qui va contribuer à ce qu’on appelle la circulation océanique globale. Cette circulation océanique provoque tout un mouvement de courants à travers tous les océans. Une modification de la formation de la banquise peut aussi entraîner une modification de ces circulations. Or cette circulation mondiale alimente des courants marins qui redistribuent aussi la chaleur, l’énergie. Tel l’effet papillon, la moindre modification dans ces phénomènes peut impacter la circulation océanique mondiale et potentiellement avoir d’autres effets climatiques dans d’autres régions du monde.  C’est vraiment pour ça que j’insiste sur le fait que ce qui se passe en Antarctique, ne reste pas en Antarctique. Tout est interconnecté.

Quels changements observe-t-on au niveau des calottes glaciaires polaires avec le réchauffement climatique ?

Je me concentre sur l’Antarctique parce que c’est mon domaine d’expertise. Les observations satellites nous permettent d’observer des changements sur ce continent : la quantité de glace a diminué au cours du temps. Cette perte de masse de glace sur le continent Antarctique va augmenter le niveau marin de façon certaine. Des zones se réchauffent plus intensément et cela a aussi de grands impacts sur les écosystèmes présents en Antarctique.

Avec une augmentation de température, on remarque aussi plus d’évaporation puisque il fait plus chaud dans les océans. Donc on pourrait avoir plus de précipitations en Antarctique. Ça veut dire qu’on fait un transfert de masse d’eau de l’océan vers le continent qui contrebalancerait en partie la hausse du niveau marin. Par contre, nous sommes certain que ça contrebalancera pas totalement les pertes qui sont actuellement observées. Tout cela reste tout de même des incertitudes. Il est important de comprendre que la science sur le climat comprend des incertitudes. On fait des projections, mais on ne sait pas exactement comment ça va se passer. Cette incertitude, c’est quelque chose qu’on essaie d’affiner avec nos recherches.

Quelles seraient les conséquences attendues du réchauffement climatique en Belgique ?

Les conséquences en Belgique, on en a déjà vu certaines :  c’est notamment les inondations qu’on a eu en juillet 2021. C’est une hausse de la fréquence des événements extrêmes, comme de fortes précipitations de pluie tout à coup en quelques heures. Ce qui a pour conséquence des inondations, mais aussi des périodes de très fortes de sécheresse comme on a eu y a aussi quelques années en Belgique. Ces phénomènes extrêmes vont arriver de façon plus régulière et plus intense. Ça, c’est pour les conséquence qu’on aura sur la Belgique. On a aussi potentiellement l’impact de la hausse du niveau marin sur la côte belge.

Tout cela aura aussi des conséquences sociales. Si on a des périodes de grande pluie, d’inondations, des personnes perdront leur logement, les agriculteurs rencontreront des problématiques dans leurs champs inondés. Avec la sécheresse c’est la même chose. Elle provoquera des problèmes de production alimentaire. Finalement, une des conséquences qui inquiète le plus les gens c’est la production alimentaire mise en danger par le changement climatique.

Et au niveau mondial?

Au niveau mondial, ça va être la même chose : hausse du niveau marin, surtout sur les petites îles qui ont seulement quelques mètres d’élévation. Ces îles pourraient être effacées de la carte si on a une augmentation de du niveau marin de 1 à 2.5 m d’ici à 2100. Des zones entières du monde vont disparaître sous les eaux. Ce n’est pas être alarmiste que de le dire, c’est juste la réalité des projections qu’on a faites. Juste au nord de chez nous, aux Pays-Bas, il y a certaines zones qui sont déjà sous le niveau marin et qui sont habitables grâce aux digues. Ces zones vont être de plus en plus difficiles à maintenir si le niveau marin continue à augmenter.

Donc événements extrêmes, hausse du niveau marin et puis perturbation sur tout ce qui est écosystème et sur la biodiversité. Certaines espèces s’adaptent très mal parce que le laps de temps du changement est très court. Ces espèces n’ont pas le temps de s’adapter. Si on prend les coraux par exemple, ils ont besoin à la fois d’une eau à une certaine température, pas trop chaude, pas trop froide, et à être à une certaine distance de la surface. Une hausse du niveau marin, ajoutée à  l’eau qui est de plus en plus chaude, les conditions idéales de survie pour eux ne sont plus rencontrées. C’est le phénomène de blanchiment des coraux.

Il y a plusieurs volets à la fois : conséquences sur la biodiversité, sur la société et sur l’environnement plus global.

Visionne cette vidéo en savoir plus sur le travail de Sarah.

ULB TV PITCH – Sarah Wauthy: la calotte de glace de l’Antarctique

Découvre la 1ère partie “Changement climatique et effet de serre : de quoi parte-t-on vraiment ?” et la 3ème partie “Agir pour le climat : que pouvons-nous faire concrètement ?

Retrouve l’intégralité de l’interview de Sarah dans notre playlist YouTube.

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